L’informatisation de la société tunisienne est en constante progression et le web envahit de plus en plus le quotidien du citoyen, un web désormais évolué, dit intelligent ou interactif. Dans le secteur de la santé, aussi bien le médecin que son patient utilisent le web, chacun à des fins variées, les deux pouvant être amenés à interagir ensemble*.
Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) autorise et encourage l’utilisation des supports numériques** dans le respect des règles déontologiques communes à l’exercice de la médecine. Cette charte est destinée aux médecins pour encadrer leur comportement dans la digitalisation de l’exercice médical et de l’exploitation des supports numériques en ligne***.
Chapitre I : Contenu du site web : présentation du médecin, son cabinet, son activité et sa discipline
Article 1 : Le médecin est autorisé à utiliser un site web professionnel individuel ou son équivalent sur les réseaux sociaux pour : se présenter soi-même, son mode d’exercice et son cabinet, fournir des informations concernant son activité professionnelle et sa discipline, entrer éventuellement en contact avec ses patients (site interactif, messagerie, logiciel de prise de rendez vous) et enfin, pour donner un avis médical.
Article 2 : Pour se présenter, un médecin n’a le droit de mentionner sur son document numérique en ligne, que les indications autorisées pour les feuilles d’ordonnances et les cartes de visites ainsi que les informations qui facilitent sa relation avec ses patients : nom, prénom, adresse, numéro du téléphone, numéro de fax, adresse mail, jours et horaires de consultation, la qualification et les compétences qui lui ont été reconnues par le conseil national de l’ordre des médecins, les titres et fonctions universitaires et hospitalières qui doivent préciser la faculté ou l’hôpital dont il s’agit. Ces titres et fonctions doivent être actualisés, ceux révolus doivent être précédés de la mention « ancien ».
Article 3 : Le médecin est autorisé à insérer sur son site web ou équivalent sur les réseaux sociaux, outre les indications énumérées plus haut, une photo d’identité récente, sa date de naissance, les langues parlées, son numéro d’inscription au tableau de l’ordre, son appartenance à une société savante, sa situation vis-à-vis des organismes de protection sociale et d’assurances maladies, les moyens de transport et une photographie d’accès au cabinet ainsi que les possibilités de parking.
Article 4 : Le médecin peut mettre en ligne une information générale relative à son activité médicale et dont le texte est préalablement soumis au conseil régional de l’ordre des médecins pour approbation, de même que toute modification sensible ultérieure de ce texte. Aucune forme de publicité ne peut être tolérée.
Article 5 : Le médecin peut aussi insérer des informations à caractère scientifique concernant sa discipline. Il se doit de veiller à ce que l’information soit conforme aux données scientifiques les plus récentes, objective, pertinente, vérifiable et claire, présentée dans un style sobre et ne portant préjudice ni à la santé publique ni à l’intérêt général. Elle ne doit pas induire l’internaute en erreur ou faire naitre des espoirs irréalistes. Toute incitation à la réalisation d’investigations ou de traitements superflus est interdite.
Article 6 : Le médecin ne doit pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner sa communication des réserves qui s’imposent. Il ne doit pas faire une telle divulgation dans le public non médical.
Article 7 : Le médecin est autorisé à insérer, outre les indications énumérées aux articles précédents, le coût des principaux actes, dans le respect de la fourchette des honoraires et de la réglementation en vigueur mais sans comparatifs d’honoraires, assimilé à un moyen de «rabattage» des internautes. Le forfait d’honoraires est interdit sauf pour les cas prévus par la législation et la réglementation en vigueur. Le forfait pour l’efficacité d’un traitement est interdit en toutes circonstances.
Article 8 : Dans les sites web de santé, crées par une association, société savante ou par un établissement où exerce un médecin, ou dans les annuaires médico-sanitaires, les seuls renseignements autorisés relatifs au médecin sont ceux de sa carte visite (nom, prénom, spécialité et compétences, titres et fonctions, adresse, numéro de téléphone, fax, mail, jours et horaires des consultations). Le médecin se doit de veiller à ce que ces données soient conformes et actualisées.
Article 9 : Le médecin est autorisé à exploiter un logiciel de prise de rendez-vous. Les rubriques que doit remplir le patient sont son nom, prénom, date de naissance, numéro de téléphone, son adresse mail, en revanche il n’aura pas de rubrique pour préciser ses symptômes. L’ensemble de ces données reste masqué au grand public et le logiciel se charge d’envoyer au patient une confirmation du rendez vous, par sms ou par mail, ou le cas échéant, un message systématique d’absence momentanée du médecin.
Chapitre II : De l’interdiction de la publicité et du respect de la confidentialité
Article 10 : La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Tous les procédés directs ou indirects de propagande et de publicité pour le médecin ou pour les organismes auxquels il prêterait son concours sont interdits. Sont également interdites les manifestations spectaculaires touchant à la médecine et n’ayant pas exclusivement un but scientifique ou éducatif. Il est interdit de mentionner le nombre d’actes effectués par le praticien ainsi que la publication de témoignages flatteurs de patients et le nombre de visiteurs de la page ou du site web. Toute forme de référencement payant est prohibée.
Article 11 : On distingue d’un point de vue déontologique, l’information imposée au patient (diffusion d’informations à large échelle, envois postaux, spams) qui est interdite car assimilée à de la publicité, de l’information que le patient-internaute se procure en se connectant activement et en consultant volontairement une page d’accueil, qui elle est autorisée.
Article 12 : Le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogations établies par la loi. Il est interdit de publier des informations, vidéos, images ou photographies permettant d’identifier les patients. Sont également interdits l’utilisation de cookies ou de tout autre outil visant à identifier ou à profiler les visiteurs du site à leur insu.
Article 13 : Il est rappelé au médecin, particulièrement sur les réseaux sociaux, de tenir compte de l’audience ciblée et de vérifier la possibilité ou non de restreindre l’accès du contenu ou des groupes
Chapitre III : De l’aspect technique du document web
Article 15 : L’appellation du site professionnel doit correspondre à l’identité du médecin, l’utilisation d’un autre référencement ou d’un pseudonyme est interdite. Le médecin doit assurer le financement de son site par ses propres fonds. La mise en page du document web est personnelle mais une certaine sobriété est de mise, la page ne doit pas apparaître comme promotionnelle, commerciale ou publicitaire.
Article 16 : Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. Le médecin se doit de déclarer sur son document numérique, ses liens d’intérêt avec toute firme en relation avec le domaine de la santé et des soins. Il ne peut pas faire mention de liens publicitaires de quelque nature qu’ils soient.
Article 17 : Les liens éventuels vers d’autres sites ne sont envisageables que dans la mesure où ces derniers respectent le code de déontologie médicale. Le détournement des patients avec des liens de re-direction est interdit. En revanche, il est recommandé que tout site ou page personnelle de médecin incère sur la page d’accueil, le lien vers le site du CNOM amenant à la présente charte.
Chapitre IV : Du respect de la relation médecin-patient
Article 18 : Il est rappelé qu’une consultation médicale exige l’examen d’un malade. Toute information ou conseil en ligne ou par tout autre moyen délivré par un médecin, sans l’examen du malade, ne constitue pas une consultation médicale. Un document numérique ne peut qu’avoir un rôle de complémentarité de la relation patient-médecin et non de remplacement, les informations présentées sur le document ne peuvent s’y substituer.
Article 19 : Il est déontologiquement acceptable pour un médecin, de répondre par les moyens de la technologie de l’information et de la communication, à une question simple posée par un patient donné, dans les suites d’une consultation, en vue de préciser les modalités de prescription d’un médicament bien identifié ou par la récupération de résultats d’examens complémentaires. Encore faut-il s’assurer de l’identité de son interlocuteur, estimer qu’un nouvel examen clinique n’est pas indispensable, s’assurer que la recommandation pourrait se faire correctement en ligne et qu’elle parvienne directement au patient. Il se doit par ailleurs, de reporter les circonstances et le contenu de cette recommandation, à distance dans le dossier médical du patient. Ce type d’interactions médecin-patient ne peut générer d’honoraires supplémentaires.
Article 20 : Le médecin se doit de préserver l’aspect professionnel de la relation médecin-patient et de veiller à faire respecter les limites qui s’imposent, particulièrement sur les réseaux sociaux, il est conseillé au médecin d’opter pour une page professionnelle distincte de sa page privée.
Chapitre V : Du respect de la confraternité et de la confiance publique envers le corps médical et la profession
Article 21 : Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité, ils se doivent une assistance morale. Il est interdit de calomnier un confrère, de médire de lui ou de se faire l’écho de propos susceptibles de lui nuire dans l’exercice de sa profession, il est de bonne confraternité de prendre la défense d’un confrère injustement attaqué. Il est conseillé d’attirer discrètement l’attention d’un confrère auteur de propos inappropriés sur la toile. Néanmoins, si les propos sont considérés graves et que l’auteur ne réagit pas positivement à la requête préalable ou si le conflit oppose deux confrères, il est du devoir de tous les médecins de signaler ces affaires à l’ordre des médecins.
Article 22 : Le médecin se doit de veiller à l’usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations. Il ne doit pas tolérer que les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours, utilisent à des fins de promotion de leur image, ou son nom ou son activité professionnelle. Le détournement ou toute tentative de détournement de clientèle est interdit.
Article 23 : Le médecin se doit de déclarer ses conflits d’intérêt et se doit de considérer le préjudice potentiel qu’il pourrait causer à la confiance de la population envers le corps médical par des propos et avis mal formulés dans les discussions ouvertes au public. Ainsi, sont interdites à un médecin, toutes pratiques propres à déconsidérer sa profession et toutes mises en ligne d’informations ayant un impact négatif sur l’image de la profession médicale auprès du grand public.
Chapitre VI : Formalités et déclaration à l’ordre des médecins
Article 24 : Tout site web, page sur un réseau social ou autre document numérique mis en ligne et utilisé par le médecin à des fins professionnelles devra être préalablement déclaré au conseil régional de l’ordre des médecins pour approbation et validation de son contenu, ainsi que toute modification sensible ultérieure. Un lien renvoyant vers la présente charte sur le site du CNOM devra être systématiquement inséré par le médecin sur son document numérique. Toute infraction à la présente charte expose le confrère au retrait de l’autorisation et à des poursuites disciplinaires.
Article 25 : Le médecin conventionné avec une société ou un organisme qui gère son site internet ou autre document numérique, est tenu de faire viser sa convention par le conseil régional de l’ordre des médecins territorialement compétent, de même que pour son renouvellement.
Article 26 : Pour les sites web délivrant au grand public des informations dans le domaine de la santé, toute collaboration régulière entre un médecin et l’organisme propriétaire du site web se doit d’être régie par un contrat écrit, visé par le conseil régional de l’ordre des médecins.
(*) Le patient utilise le web pour s’informer à propos de sujets relatifs à la santé, à l’activité d’un médecin ou à l’activité d’une structure de soin, mais aussi pour discuter et échanger avec d’autres patients ou avec des médecins et parfois pour prendre un RDV de consultation avec un médecin. Le médecin utilise le web sur le plan professionnel, pour communiquer et échanger avec ses paires de par le monde, pour actualiser sa formation, mais aussi pour informer le patient internaute de son art et pour lui permettre de prendre un RDV en ligne. Il peut aussi participer à des discussions avec les patients.
(**) Un document numérique en ligne peut prendre la forme d’une page web, d’une page sur un réseau social, Linkedln, d’un article sur un wiki, d’une vidéo sur Youtube, d’une image sur Flickr ou d’un article sur Wikipédia. Il existe deux types de sites médicaux, le premier type est destiné aux médecins et crée par des sociétés savantes ou de spécialités ou par des sociétés pharmaceutiques ou par des maisons d’édition. Le deuxième type est destiné aux patients, qu’il soit créé par des médecins à titre individuel ou par des sociétés incluant des avis médicaux donnés par des médecins conventionnés avec la société qui le gère.
(***) Les données spécifiques à la télémédecine seront traitées à part, une fois la législation spécifique adoptée.